(Extraits de "En Avesnois... ...au fil des saisons" de Robert LECLERCQ.

Carte postale : j'attends preneur....
LORSQUE
L'ENFANT PARAISSAIT...
NAISSANCE... ET COUTUMES
Dans nos villages et nos petites villes où tous les habitants d'un quartier
ou d'une rue vivaient amicalement, dés qu'une femme attendait un enfant et que
cela se savait ou se voyait, les conseils et les pronostics des vieilles du voisinage
abondaient. Il fallait, disait-on, satisfaire toutes les "envies" de la future maman et
surtout aux moments où elles se manifestaient, elle ne devait pas poser les doigts
sur son visage, car l'enfant serait marqué de l'empreinte de la chose convoitée !
Désirait-elle des mûres, une pomme, un plat quelconque, on mettait tout en oeuvre
pour la contenter. Elle ne devait pas avoir peur d'une souris, d'une grenouille,
d'une araignée, afin que le bébé ne présente pas de malformation ou de "tâches de
naissance" disgracieuses. On citait toujours des exemples : un tel était né avec le
dessin d'une queue de rat sur son bras, un autre avait sur sa cuisse un bouton
en forme de framboise qui rougissait plus fort chaque année au mois de juin.
Ainsi se colportaient ces croyances anciennes, "N'croisez jamais vos jambes,
conseillait une vieille voisine, votre enfant serait étranglé par le cordon !"
(ombilical bien sûr). D'autre part, la femme enceinte ne préparait pas de
mayonnaise, au risque de la "faire tourner". Elle ne mettait pas la "main à la pate"
pour tartes et gâteaux, elle les aurait ratés ! Voilà quelques-unes de ces
interdictions empreintes de restes de supertions d'antan qui avaient encore cours
il y a cinquante ans.
Dés que la naissance, d'ailleurs prédite par la phase de la lune au moment de la fin
de la gestation, s'annonçait, on prévenait la sage-femme ou simplement une dame du
village ayant la réputation de bien "faire les accouchements". Le médecin était
rarement appelé, sauf chez les plus prudentes ou si des risques sérieux semblaient
s'annoncer.
La future maman besognait jusqu'au dernier jour. Il lui était même conseillé de
s'activer le plus possible. Il fallait qu'elle "pestelle" ! Les femmes qui travaillaient
en usine, filature par exemple, ne quittait bien souvent leur emploi que la veille des
signes précurseurs.
La parturiente mettait son enfant au monde chez elle, sur "son lit" et il n'était pas
question alors d'accouchement sans douleurs. Sauf dans des cas extrêmes les
naissances ne se déroulaient jamais en maternité. Très souvent une diseuse de "neuvaines"
égrenait son chapelet pendant l'événement, adressant une série de prières à
"Notre Dame de Délivrance ou des Sept douleurs.
Venu au monde, le bébé était délicatement nettoyé et bouchonné, parfois lavé, mais
certains affirmaient qu'il fallait éviter ces ablutions trop précoces. Dès que le
cordon ombilical était noué, on entourait l'abdomen de l'enfant d'une très longue bande
de tissus élastique. Quelques-uns posaient même une grande pièce de cinq francs en argent
entre deux replis pour que l'enfant n'ait pas "eune grosse boudenne !" (un nombril trop proéminent).
LES PREMIERS JOURS DE LA VIE
C'était ensuite le premier "maillottage" (habillage). On mettait au nourrisson une chemise de toile alingée, très douce,
puis une brassière de coton sur laquelle on enfilait un second vêtement de laine. Un mouchoir de cou, pièce de coton de
forme triangulaire, croisé sur la poitrine et noué dans le dos maintenait le tout. Voilà pour le haut !

Une première couche fine était repliée sur les deux jambes entourées séparément. Un lange épais le "drapiau", fabriqué
souvent avec plusieurs épaisseurs de morceaux de draps usagés cousus ensemble était enroulé autour de la taille en
serrant bien. Enfin une couche en molleton de laine enveloppait le bas du corps. Elle était repliée pour fermer le "maillot".
Des épingles de sûreté assujettissaient ces linges multiples ensemble. Malgré tout, il arrivait parfois, pour les jeunes
mamans peu habituées à ces manipulations, qu'au moment où elles saisissaient leur poupon le bel assemblage protecteur, trop peu
serré dégringolait. Tout était à refaire !

Le berceau (el berche) dans la pluspart des cas en osier, était installé sur un bâti de bois, à bascules, grâce à deux traverses
courbes reposant sur le sol. Ce dispositif permettait de "bercer" l'enfant dès qu'il pleurait ou pour l'endormir.
Il était courant de voir la maman ou la grand-mère balancer le petit lit mobile en fredonnant une berceuse populaire dans le
genre de celles que nous verrons çi-après. Une épaisse paillasse remplie de "balles" d'avoine ou de fougères sèches
constituait la base de la literie. --"C'est plus sain, que la laine assurait-on !"
Un berceau en 1920 ("el berche !")
L'accouchée gardait la chambre
et le lit durant neuf jours afin d'éviter
"hémorragies, descentes d'organes ou phlébites !".
On lui entourait le ventre d'un très long drap replié.
La plupart des mamans pratiquaient
l'allaitement au sein, mais chez beaucoup
le biberon de lait de vache ou de chèvre
boulli et sucré le complétait ou le remplaçait vite.
En bien plus grand nombre que de nos jours les jeunes enfants, étaient atteints de maladies sévères. Presque tous
contractaient la "rainette", c'est-à-dire le "muguet", qui enflamme et envahit les muqueuses buccales. On soignait
cette affection avec des applications de "miel rosa" (mélange de miel et d'infusion de pétales de rose). Cependant
des complications survenaient souvent avec des irritations du tube digestif et des "diarrhées vertes". Les bains de
siège avec du "jus de son de blé", boulli puis des poudrages au talc, répétés, entraient en danse ! Parfois on
ajoutait du cerfeuil à la mixture.
Les convulsions et la méningite étaient particulièrement redoutées. Si je cite ces maux, c'est que dans ma jeunesse
la mortalité infantile était encore très importante. Quand les soins du médecin, ne semblaient pas parvenir à dominer
le fléau on avait recours à des moyens dont certains me stupéfiaient. J'ai entendu plus d'une fois rapporter qu'on
ouvrait en deux, le long du bréchet, un pigeon vivant, pour l'appliquer, ruisselant de sang sur le crâne de l'enfant
malade !
"Ca doit enlever le mauvais... !" affirmaient certaines vieilles personnes. Ces pratiques d'un autre âge s'expliquaient
et s'excusaient par l'affolement dramatique des parents.
A cette époque, on repérait facilement les habitations abritant un bébé. Il suffisait de voir à l'extérieur, par temps
serein, l'alignement de nombreuses pièces de layettes (les "fâches" !) sur les cordes à linge ou sur les haies voisines.
Pleuvait-il ? On retrouvait sur des séchoirs de fortune et des fils tendus dans la cuisine au-dessus et autour du poêle,
les langes et les couches nettoyés puis boullis dans une "lessiveuse". Quel travail ! comparativement à l'usage actuel
d'une multitude de protections absorbantes et à jeter que vante la publicité télévisée. Je n'avais pas l'intention
d'ouvrir un chapitre de puériculture, mais je désirais brosser un tableau sommaire des suites de la naissance d'un enfant...
il y a un demi-siècle !
LE BAPTEME !!
Cette cérémonie religieuse avait lieu à une date la plus rapprochée possible de la naissance, souvent dans les huit jours,
car "on ne devait pas sortir l'enfant de la maison natale" avant qu'il n'ait été baptisé.
Pour la circonstance, on vêtait le bébé d'une longue robe blanche, richement brodée et garnie de dentelles ainsi que d'un
bonnet également somptueux. Parfois, un manteau ou un châle assorti complétait la parure.
C'était le plus souvent la grand-mère qui portait le nourrisson vers les fonds-baptismaux. Le père, le parrain et la
marraine, quelques parents et amis les accompagnaient. La mère n'assistait jamais au baptème, un rite ancien la
considérant comme "impure" durant trente jours ! C'était le temps des "relevailles" que le curé devait purifier par une
bénédiction spéciale. La cérémonie se déroulait en général après la grand-messe du dimanche. Les enfants attendaient
impatiamment près du porche de l'église la sortie du petit cortège. Dès que les cloches sonnaient, le parrain et la marraine
jetaient des poignées de "pois de sucre" (dragées) auxquels ils mêlaient parfois quelques pièces de monnaie. C'était alors
la ruée de la marmaille qui se précipitait... Auparavant le curé avait reçu une grosse boîte des mêmes bonbons, garnie
d'une "offrande" pécuniaire ! Les enfants de choeurs emportaient un cornet enrichi de quelques francs !
Des agapes animées clôturaient longuement cette fête familiale. On baptise encore de nos jours mais bien souvent en groupes.
Les cloches ne sonnent plus qu'exceptionnellement et les gamins ne se bousculent plus pour glaner quelques "pois de sucre"
bleus ou roses !
Cher petit oreiller ! doux et chaud sur ma tête
Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Le temps de l'enfance...
Retour sommaire