Je ne veux que parler des coutumes, des habitudes inhérentes aux premiers mois puis aux premières années de l'enfant,
dans cette période évoquée dans ces pages.
Pour calmer un nourrisson qui pleurait ou pour le faire patienter avant son biberon, on lui donnait couramment une tétine
à sucer. Cette dernière, en caoutchouc souple, percée de trous, était remplie de sucre candi mis en petits grains.
Bien souvent un vulgaire bouchon de liege la fermait. Certains même donnaient au bébé une sucette ("el chuchette ! ")
en toile. C'était un petit carré de tissu enfermant le sucre et un peu de mie de pain, puis ligaturé. Cette dernière pratique,
a provoqué des accidents fréquents. L'enfant avalait le tissu et ... s'étouffait ! Des modèles du commerce, plus pratiques,
comportaient un large disque en os, empêchant la trop grande pénétration de la tétine. Un anneau permettait d'attacher cette
dernière par un cordonnet au rebord du berceau... Cette pratique est presque disparue de nos jours.
Pour cette période délicate durant laquelle le bébé commençait à "percer" ses premières dents, on lui donnait à mordiller
une longue croûte de pain rassi, bien dure ou une racine de guimauve nettoyée et pelée qu'on arrachait dans le jardin.
A défaut une carotte faisait l'affaire !
Vers huit ou neuf mois, dès que l'enfant commençait à se tenir plus fermement dans son berceau ou son petit lit,
on le plaçait sur une couverture de laine étendue à même le carrelage, entre quatre chaises couchées. Plus tard,
on utilisa un "parc" en bois, à quatre faces garnies de barreaux. Le bébé marchait bientôt "à quatre pattes" et
s'appuyant sur le pourtour de son enclos parvenait à se relever. Dès cette prouesse, la maman, le tenant sous
les bras tentait de le faire marcher. Pour faciliter un tel apprentissage, on utilisait également une sorte de
harnais léger, à bretelles, ou simplement un torchon replié, passé sous les aisselles. En ce qui me concerne,
m'a-t-on dit,j'ai fait mes premiers pas dans un "banc". Cet instrument encombrant se prêtait d'ailleurs entre
parents et amis. Il s'agissait d'un long bâti quadrangulaire, lourd et stable, comportant à sa partie supérieure
deux longerons parallèles dans les rainures desquels coulissait une planche large percée d'une "lunette". On plaçait
l'enfant dans cette dernière, les bras au-dessus. Ses pieds reposant sur le sol, il pouvait à sa guise aller et venir
d'un bout à l'autre du "banc". J'ai vu évoluer mes frères et soeurs dans ce dispositif rustique qui libérait maman
un moment.
Pour endormir le jeune enfant, on entendait presque partout chanter ou fredonner les mêmes refrains, transmis sans
doute depuis des générations de mère en fille ! En voici quelques-unes, dont les "vers" ont vraisemblablement été
modifiés au cours des ans puisqu'on les transmettait surtout de bouche à oreille !
"Le petit Jésus, s'en va à l'école !
En portant sa croix, dessus son épaule
Quand il sait bien sa leçon,
On lui donne des bonbons ;
Une pomme rouge
Pour mettre à sa bouche ;
Un bouquet de fleurs
Pour mettre à son petit coeur !
C'est pour nous, c'est pour toi,
Que Jésus est mort en croix !"
Plus tard, pour amuser le bambin, on lui prenait la main et, agitant chaque doigt en commençant par le pouce, on chantonnait :
Le père ou le grand-père jouait souvent,le soir
avec l'enfant et, le faisant sauter à califourchon
sur un genou, clamait ce refrain :
"A dada ! A dada !
Sur le cheval de mon papa !
Il a tant mangé de blé,
Qu'il a son petit cul pelé !
Il a tant mangé d'avenne (avoine)
Qui n'sait plus reprendre son haleine !
A dada ! A dada !A dada !".