(Extraits de "En Avesnois... ...au fil des saisons" de Robert LECLERCQ.

Ramoneurs et hérissons
"Les ramoniats".




MARCHANDS AMBULANTS...
ET COLPORTEURS!!!
(suite)



LE REMOULEUR !

"Je suis le rémouleur, je vais de ville en ville
Parcourant le pays, jusqu'au fond des hameaux
Tout le long du chemin, poussant ma meule agile,
Je crie ;"A repasser, les couteaux, les ciseaux...".


Rémouleur
Le "rémouleur" baptisé içi "l'aiguiseur"

             Ecoliers, nous avons chanté bien des fois ce couplet, mais nous étions surtout heureux de murmurer : "Bzz...Bzz...Bzz..." pendant qu'une autre partie de la classe clamait :"tourne vite, tourne ma meule...mon aide et mon unique avoir...etc".
Cette romance de Claude Augé relate bien le travail de cet artisan ambulant qui passait deux fois par an, au printemps et en automne. Il poussait sa carriole dans laquelle étaient installés ses meules de différentes finesses de grain. Deux pédales en bois animaient une grande roue à gorge qui servait de volant. Ce dernier entraînait rapidement les pierres à aiqguiser rotatives. Un toit léger abritait l'ensemble et le rémouleur assis sur une planche servant de banc.
L'homme proposait son travail d'affûtage aux villageois pour tous les instruments coupants ;couteaux, ciseaux, hachoirs, serpes, fauçilles...Il exécutait sa tâche immédiatement, souvent entouré par quelques enfants du quartier ébahis devant la mécanique rustique qui mugissait, comme dans la chanson : Bzz...Bzz...!
             Depuis la guerre de 1939/45, je vois encore parfois passer des rémouleurs motorisés véhiculant leur petit atelier dans l'arrière d'une camionnette...Ils ne pédalent plus, un petit moteur à essence actionne les meules mais les bambins et les écoliers n'admirent plus un équipage qui ne les étonne pas ! (S'étonnent-ils encore de quelque chose d'ailleurs ?)


"LES RAMONIATS"

Ramoneurs

ramoneurs savoyards
             Grand-mère et maman m'ont souvent parlé, dans ma jeunesse, des petits "SAVOYARDS" qui s'expatriaient six mois de l'année, pour aller ramoner les cheminées des villages de France ! Ils chantaient disaient-elles, un petit air de leur pays en passant le buste au sommet des conduits de fumée, prouvant ainsi qu'ils avaient grimpé de bas en haut et bien fait leur travail. Je n'ai pas souvenance personnellement de ces jeunes ouvriers. Par contre, ma mémoire a parfaitement conservé l'image des scènes du labeur des ramoneurs adultes, qui passaient régulièrement pour nettoyer les larges cheminées de maçonnerie. Voici :

             "Dès le printemps, quand la température ne nécessitait plus d'activer les appareils de chauffage des habitations, on voyait arriver les "ramoniats !". Ce mot en patois désigne ceux qui enlèvent la couche de suie des conduits de fumée. Ils criaient autrefois, paraît-il : "Ramoniat, la chemina du haut en bas...!". Mon aïeule annonçait leur venue en disant : "Ca y est, v'la les rapats (synonyme de ramoniat)...Faut layie éteindre el feu !" (laisser éteindre).

             Je revois en pensée celui qui venait chez nous. Il était vétu de noir. Les genoux, le fond de son pantalon et les coudes de sa veste étaient garnis d'un renforcement en cuir. Sur la tête, il avait un bonnet de coton à très large bord enroulé. Aux pieds, il portait des espadrilles à semelles épaisses. Deux raclettes de fer pendaient à sa ceinture.

             Dans l'habitation, l'homme démontait le paravent de la cheminée, installait une épaisse toile de jute qui limiterait le passage des poussières de suie. Il déroulait le bord de sa coiffure pour protéger son visage et ses yeux, puis grimpait à l'intérieur du conduit en s'appuyant sur son derrière, ses pieds et ses genoux. On l'entendait gratter les parois longuement... Je me suis précipité plusieurs fois à l'extérieur pour apercevoir quelquefois le bras de l'homme s'agiter au faîte de la cheminée dans un nuage de poussière noire... Pour les maisons plus modernes, le ramonage se faisait par le toit à l'aide d'échelles. Dans ce cas, le ramoneur utilisait un "hérisson" garni de longues palettes d'acier et d'un petit boulet en fonte qu'il descendait dans les tuyaux et conduits grâce à une longue corde. De nos jours, ce métier existe encore, mais le travail se fait surtout avec des aspirateurs puissants et les "ramoniats" n'agitent plus les bras et ne chantent plus au sommet des cheminées.


LES CHANTEURS DES RUES :

             Cette profession est complètement disparue. Jusque vers 1930, de temps en temps on voyait arriver dans les villages des groupes de deux ou trois musiciens qu'accompagnait une chanteuse. Avec le plus souvent un violon, un accordéon et une mandoline, ils jouaient quelques airs connus comme "La Madelon" ou "Le temps des cerises". Petit à petit, les habitants du quartier et d'abord les jeunes approchaient entourant le petit orchestre. La femme se mettait à chanter une romance en vogue... Je me souviens de "Sous le soleil marocain !" et des "Roses Blanches"... Parfois, c'était une "complainte" dont le thème était triste et qui relatait en totalité un évènement sensationnel vécu et récent. J'ai conservé : "Le crime de la Place Maubert" dont le premier couplet commence ainsi :

"Ecoutez l'horrible drame
Qu'un assassin très pervers
Fit naître place Maubert
En égorgeant une femme
Et ses cinq petits enfants
Pauvres bébés innocents... etc...

             L'assistance écoutait la romance, puis achetait la grande feuille sur laquelle les paroles étaient imprimées, auprès d'autres textes d'ailleurs. Par audition, on apprenait la chanson en la fredonnant de nombreuses fois. Après la guerre de 1914/18, on entendit aux carrefours : "La Valse des Poilus" ; "le 75, ça c'est à nous !".

Livret de chanson
Une chanson qu'interprétaient
les "chanteurs de rue" en 1921.

             Plus tard ce fut "Le crime de Violette Nozières !" puis "Le Point d'Interrogation", glorifiant la première traversée française de l'atlantique... L'apparition de la T.S.F. qui se popularisa aasez rapidement fit disparaitre les "chanteurs des rues".

LES "MARCHANDS D'LOQUES"
de ferrailles et de peaux de lapins !

Dépouille de lapin

             Tous les quinze jours, une petite voiture, tirée par un âne gris, sillonnait les rues des villages. Le conducteur soufflait, de place en place, dans un cornet puis criait à tue-tête : "Marchand d'loques... A... i... peaux !". Quelques portes s'ouvraient et des gens, chargés de sacs de vieux chiffons et de nippes ou d'une caisse pleine de ferrailles attendaient la venue du fripier près de leur demeure. Ce dernier les accueillait avec humour, son "peson" à la main pour estimer le poids de la pacotille. Il la payait de quelques pieces de monnaie. L'homme achetait également les peaux de lapins, qu'il estimait en les palpant, en tirant sur le poil, ajoutant souvent : "Hum ! ça n'vaut nin grand chose !". Grand-père préparait toujours les dépouilles de ses lapins en les faisant sécher sur une fourche de gros rameaux de noisetier qui les distendait : "Ainsi, disait-il, elles sont plus grandes et l'marchand de piaux les paye plus cher !". D'autres ramasseurs de ces fourrures circulaient, le samedi, à vélo. Parfois, ils tuaient et dépeçaient la bête, se rétribuant en emportant la peau qu'ils déposaient sanglante sur le guidon de leur bicyclette.


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