"Je suis le rémouleur, je vais de ville en ville
Le "rémouleur" baptisé içi "l'aiguiseur"
Ecoliers, nous avons chanté bien des fois ce couplet, mais nous étions surtout heureux de murmurer : "Bzz...Bzz...Bzz..." pendant qu'une autre partie de la classe clamait :"tourne vite, tourne ma meule...mon aide et mon unique avoir...etc".
Cette romance de Claude Augé relate bien le travail de cet artisan ambulant qui passait deux fois par an, au printemps et en automne. Il poussait sa carriole dans laquelle étaient installés ses meules de différentes finesses de grain. Deux pédales en bois animaient une grande roue à gorge qui servait de volant. Ce dernier entraînait rapidement les pierres à aiqguiser rotatives. Un toit léger abritait l'ensemble et le rémouleur assis sur une planche servant de banc.
L'homme proposait son travail d'affûtage aux villageois pour tous les instruments coupants ;couteaux, ciseaux, hachoirs, serpes, fauçilles...Il exécutait sa tâche immédiatement, souvent entouré par quelques enfants du quartier ébahis devant la mécanique rustique qui mugissait, comme dans la chanson : Bzz...Bzz...!
Depuis la guerre de 1939/45, je vois encore parfois passer des rémouleurs motorisés véhiculant leur petit atelier dans
l'arrière d'une camionnette...Ils ne pédalent plus, un petit moteur à essence actionne les meules mais les bambins et
les écoliers n'admirent plus un équipage qui ne les étonne pas ! (S'étonnent-ils encore de quelque chose d'ailleurs ?)
"Dès le printemps, quand la température ne nécessitait plus d'activer les appareils de chauffage des habitations, on voyait
arriver les "ramoniats !". Ce mot en patois désigne ceux qui enlèvent la couche de suie des conduits de fumée. Ils criaient
autrefois, paraît-il : "Ramoniat, la chemina du haut en bas...!". Mon aïeule annonçait leur venue en disant : "Ca y est,
v'la les rapats (synonyme de ramoniat)...Faut layie éteindre el feu !" (laisser éteindre).
Je revois en pensée celui qui venait chez nous. Il était vétu de noir. Les genoux, le fond de son pantalon et les coudes de
sa veste étaient garnis d'un renforcement en cuir. Sur la tête, il avait un bonnet de coton à très large bord enroulé. Aux
pieds, il portait des espadrilles à semelles épaisses. Deux raclettes de fer pendaient à sa ceinture.
Dans l'habitation, l'homme démontait le paravent de la cheminée, installait une épaisse toile de jute qui limiterait le passage
des poussières de suie. Il déroulait le bord de sa coiffure pour protéger son visage et ses yeux, puis grimpait à l'intérieur
du conduit en s'appuyant sur son derrière, ses pieds et ses genoux. On l'entendait gratter les parois longuement... Je me suis
précipité plusieurs fois à l'extérieur pour apercevoir quelquefois le bras de l'homme s'agiter au faîte de la cheminée dans un
nuage de poussière noire... Pour les maisons plus modernes, le ramonage se faisait par le toit à l'aide d'échelles. Dans ce
cas, le ramoneur utilisait un "hérisson" garni de longues palettes d'acier et d'un petit boulet en fonte qu'il descendait
dans les tuyaux et conduits grâce à une longue corde. De nos jours, ce métier existe encore, mais le travail se fait surtout
avec des aspirateurs puissants et les "ramoniats" n'agitent plus les bras et ne chantent plus au sommet des cheminées.
Grand-mère et maman m'ont souvent parlé, dans ma jeunesse, des petits "SAVOYARDS" qui s'expatriaient six mois de l'année,
pour aller ramoner les cheminées des villages de France ! Ils chantaient disaient-elles, un petit air de leur pays en passant
le buste au sommet des conduits de fumée, prouvant ainsi qu'ils avaient grimpé de bas en haut et bien fait leur travail.
Je n'ai pas souvenance personnellement de ces jeunes ouvriers. Par contre, ma mémoire a parfaitement conservé l'image des
scènes du labeur des ramoneurs adultes, qui passaient régulièrement pour nettoyer les larges cheminées de maçonnerie. Voici :