Je me souviens parfaitement de ces "bandes joyeuses" qui s'en allaient aux champs vers 1925, dès que le soleil avait dissipé la rosée.
Dès la fin juillet, les cultivateurs
surveillaient leurs champs.
Quand les épis jaunissants ne gardaient
plus qu'un soupçon de vert et que les
grains roulés entre les paumes paraissaient
suffisamment durs, la coupe était déçidée.
Les hommes, armés de "sapes"(les piquets), courtes faux à manche arqué, abattaient les chaumes et formaient des javelles en s'aidant d'un crochet. Parfois cette besogne se faisait à la "faux-armée", munie d'une sorte de râteau à longues dents, ajustée sur le manche. Les javelles ("gaviaux") s'alignaient à la droite des moissonneurs. Les femmes et jeunes filles les rassemblaient par quatre ou cinq pour former une gerbe (el'"botte"). Cette dernière était ligaturée par un "louyen" de paille longue, souvent de seigle, qu'un noeud adroit maintenait.
Au fur et à mesure, une autre équipe "plantait" les "monts" c'est à dire les moyettes de gerbes. Six à huit de ces dernières étaient dréssées l'une contre l'autre, les "pieds" écartés et les épis au-dessus. Une ou deux bottes liées près de la base étaient retounées et déployées sur l'ensemble pour former le "caperon" sur lequel la pluie glisserait. C'était tout un art de bien "planter" afin que les "monts" résistent aux bourrasques possibles. Trois semaines après environ, pendant lesquelles le grain finissait de mûrir, on rentrait la céréale pour l'engranger. Le battage viendrait plus tard souvent fin septembre, début octobre.
"ON VA ALLER MUCHNER"... !
(glaner)
Plus tard, les moissonneuses-lieuses raccourcirent le temps de la moisson et la peine des cultivateurs mais firent diminuer la richesse de nos glanes. De nos jours, les moissonneuses-batteuses ont fait disparaître "glaneurs et glaneuses" ! Millet ne peindrait plus sa merveilleuse toile. Dirai-je que nous n'attendions pas septembre pour battre notre gerbe ? Cette opération se faisait dans un sac de jute sur lequel nous frappions de grands coups de bâton. Les poules se chargeaient de vanner le grain.