(Extraits de "En Avesnois... ...au fil des saisons" de Robert LECLERCQ.

Manège de chevaux de bois




"Les ducasses...!"



             La "Ducasse"ou"ducace"c'est la fête de l'agglomération ! Ce n'est pas une foire, une kermesse, c'est la célébration honorifique et joyeuse de la "dédicace" de l'église du village ou plus précisément du Saint qui en est le "patron" :St Lambert à Felleries, St Rémy à Sains du Nord, St Nicolas à Avesnes ...mais aussi à Anor, Bermeries, Le Favril, Orsinval et Priches, St Martin est le patron de 38 communes de l'arrondissement parmi lesquelles, Cousolre, Aulnoye, Beugnies, Etroeungt, Semousies, Solrines...

             Autrefois, cette fête était surtout religieuse avec ses offices, ses processions. Elle durait de nombreux jours, mais comme les réjouissances qui suivaient devenaient de plus en plus profanes, la licence même en effaçant le caractère sacré, l'Eglise par un Concile essaya de la limiter à une journée et même de l'interdire. Mais la tradition se perpétua et bien mieux s'amplifia !

Limonaire
(L'orgue de Barbarie tint longtemps
la place des gros hauts-parleurs)

             Les ducasses eurent lieu presque partout de mai à fin novembre, mais aussi parfois en décembre, comme à Orsinval ou en janvier (Colleret, Ferrière la Grande) ! Bien souvent, des hameaux, voire certains lieux-dits et même la gare du village eurent leurs "ducasses" complémentaires. A Felleries, dans ma jeunesse, on célébrait la ducasse du "Muids", hameau du bourg, celle de "l'Arpette" à l'orée du bois de la Vilette. A Sains du Nord, certaines fêtes de quartier existent toujours: ducasse de la Croisade-Monfort, de la gare.

Cheval de bois

          Petit à petit,
      ces réjouissances d'une journée,
      avec leurs courses à vélos,
      leurs concours de quilles et de cartes,
      leurs bals champêtres disparaissent...



L'SEMAINE DEL'DUCASSE...
en ce temps là !

             Pendant la semaine qui précédait le dimanche de la ducasse, c'était pour les enfants grande joie, fièvre, énervement, causés par l'arrivée des "baraques foraines". Gosses, nous passions sur la place publique de longues heures et dés la sortie de l'école, nous courions regarder s'installer les manèges de "d'ch'vaux d'bos", le "tir à pipes", quelquefois le petit cirque avec sa ménagerie et ses chevaux pie. Mais surtout, dans le fond de l'esplanade, sur une grande partie herbeuse, derrière le kiosque à musique, nous nous extasions devant l'assemblage des panneaux et des bâches composant la salle du cinématographe avec sa mystérieuse cabine roulotte ! Dés l'arrivée de cette attraction, si rare au village, les propriétaires affichaient, avant même l'installation, les programmes à venir. Je souris en rêvassant à ces premières images animées et muettes de ... 1925, que nous commentions encore bien longtemps aprés, "Charlot" bien entendu ... Laurel et Hardy, les films de "coves-bois", comme nous disions. Quelle féérie pour tous et à un prix modique ! Le jeudi, nous le passions en jouant prés des installations foraines et les plus hardis, s'approchaient pour essayer de "donner un coup de main" pour les montages divers, dans l'espoir de glaner un ou deux tickets gratuits...

Manège
(Manège de"d'ch'vaux d'bos"de ce temps là.)

             Mais, si les jeunes étaient joyeux et impatients, il fallait voir aussi les ménagères, dans "tous leurs états", préparer ce qui était nécessaire pour "faire ducasse" ! En effet, dans la pluspart des familles on invitait pour la journée du dimanche "delle ducasse", parents et amis qu'on allait recevoir en mettant, disait-on : "les petits plats dans les grands". La maison était nettoyée avec minutie, on préparait la grande nappe et les serviettes blanches... Bref ! on embellissait la demeure pour l'accueil agréable des convives. La préparation du "diner" retenait particulièrement l'attention de la maitresse de maison. Chez la plupart, même chez les humbles, on mettait la "poule au pot" (eune bonne grosse pouille d'since !). Avec le bouillon odorant et concentré de la cuisson, qu'on dégraissait un peu de sa nappe huileuse superficielle, formant de "larges yeux", on préparait un potage "velouté" épaissi au tapioca. La poule était servie avec force légumes et une sauce "genre béchamel" enrichie de crème fraîche et de champignons émincés. Quel délice ! Aprés ce plat pourtant copieux, on mangeait couramment un roti de veau, accompagné d'une salade de laitue. Chez d'autres, un gros lapin, préparé avec des pruneaux ("el lapin à prônes") remplaçait le veau. Ce repas s'allongeait, entrecoupé de bavardages animés commentant nouvelles et potins du village ou du quartier. Comme boisson : de la bière du pays et parfois, mais rarement, une bouteille de vin rouge servie parcimogneusement. Quelquefois, un peu de cidre offert par la fermière qui avait livrée la volaille, pétillait un instant dans les verres !


LE "RACCROC" !!!

             Le dimanche qui suivait la fête communale, c'était le "raccroc" ! Les attractions importantes avaient quitté la place mais deux ou trois "boutiques à chiques" et souvent une petite "roulotte à frites" demeuraient pour le bal champêtre du soir. Si le temps était clément, danseurs et spectateurs étaient encore nombreux et la pause durait plus longtemps. Cafés et estaminets faisaient salle comble. La gaité éclatait et des applaudissements, des "bans" félicitaient les nombreux chanteurs ! Plus tard, dans la nuit il n'était pas rare d'entendre un ou deux noctambules déclamant des refrains criards, après avoir trop "arrosé le raccroc". Dans ma rue, l'un d'eux regagnait sa demeure sans doute sinueusement, en hurlant : "Bonsoir... Madame la lune... " !!!


Vers "Le temps des fenaisons"

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