La "Ducasse"ou"ducace"c'est la fête de l'agglomération ! Ce n'est pas une foire, une kermesse,
c'est la célébration honorifique et joyeuse de la "dédicace" de l'église du village ou plus
précisément du Saint qui en est le "patron" :St Lambert à Felleries, St Rémy à Sains du Nord,
St Nicolas à Avesnes ...mais aussi à Anor, Bermeries, Le Favril, Orsinval et Priches, St Martin
est le patron de 38 communes de l'arrondissement parmi lesquelles, Cousolre, Aulnoye,
Beugnies, Etroeungt, Semousies, Solrines...
Autrefois, cette fête était surtout religieuse avec ses offices, ses processions. Elle durait de nombreux jours, mais comme les réjouissances qui suivaient devenaient de plus en plus profanes, la licence même en effaçant le caractère sacré, l'Eglise par un Concile essaya de la limiter à une journée et même de l'interdire. Mais la tradition se perpétua et bien mieux s'amplifia !
Les ducasses eurent lieu presque partout de mai à fin novembre, mais aussi parfois en décembre, comme à Orsinval ou en janvier (Colleret, Ferrière la Grande) ! Bien souvent, des hameaux, voire certains lieux-dits et même la gare du village eurent leurs "ducasses" complémentaires. A Felleries, dans ma jeunesse, on célébrait la ducasse du "Muids", hameau du bourg, celle de "l'Arpette" à l'orée du bois de la Vilette. A Sains du Nord, certaines fêtes de quartier existent toujours: ducasse de la Croisade-Monfort, de la gare.
Petit à petit,
ces réjouissances d'une journée,
avec leurs courses à vélos,
leurs concours de quilles et de cartes,
leurs bals champêtres disparaissent...
Pendant la semaine qui précédait le dimanche de la ducasse, c'était pour les enfants
grande joie, fièvre, énervement, causés par l'arrivée des "baraques foraines". Gosses,
nous passions sur la place publique de longues heures et dés la sortie de l'école,
nous courions regarder s'installer les manèges de "d'ch'vaux d'bos", le "tir à pipes",
quelquefois le petit cirque avec sa ménagerie et ses chevaux pie. Mais surtout, dans le fond
de l'esplanade, sur une grande partie herbeuse, derrière le kiosque à musique, nous nous
extasions devant l'assemblage des panneaux et des bâches composant la salle du
cinématographe avec sa mystérieuse cabine roulotte ! Dés l'arrivée de cette attraction, si rare au
village, les propriétaires affichaient, avant même l'installation, les programmes à venir.
Je souris en rêvassant à ces premières images animées et muettes de ... 1925, que nous
commentions encore bien longtemps aprés, "Charlot" bien entendu ... Laurel et Hardy,
les films de "coves-bois", comme nous disions. Quelle féérie pour tous et à un prix modique !
Le jeudi, nous le passions en jouant prés des installations foraines et les plus hardis,
s'approchaient pour essayer de "donner un coup de main" pour les montages divers, dans
l'espoir de glaner un ou deux tickets gratuits...
Le dimanche qui suivait la fête communale, c'était le "raccroc" ! Les attractions importantes avaient
quitté la place mais deux ou trois "boutiques à chiques" et souvent une petite "roulotte à frites"
demeuraient pour le bal champêtre du soir. Si le temps était clément, danseurs et spectateurs étaient
encore nombreux et la pause durait plus longtemps. Cafés et estaminets faisaient salle comble. La gaité
éclatait et des applaudissements, des "bans" félicitaient les nombreux chanteurs ! Plus tard, dans la
nuit il n'était pas rare d'entendre un ou deux noctambules déclamant des refrains criards, après avoir
trop "arrosé le raccroc". Dans ma rue, l'un d'eux regagnait sa demeure sans doute sinueusement, en
hurlant : "Bonsoir... Madame la lune... " !!!