Un peu partout, la veille de Noël, les maisons cuisaient de grosses miches briochées ! Chez nous, en Avesnois et dans le Nord, c'est la "CUGNOLE" qui perpétue les habitudes d'antan. Ce long gâteau en forme peut être de berceau (du latin "cunae !") porte d'ailleurs selon les villages et régions des noms variés : QUEGNOLLE? QUENIOLE? COUGNOLLE, qui deviennent parfois "COGNO" ou "QUEGNO".D'autres le nomme "COQUILLE !". Bref ! peut-être ce nom vient-il du germanique "Kuchen ou "Kouke" qui signifie gâteau (comme le KOUGELHOPH alsacien ?)
Comme me semblaient encore plus délicieuses les petites "cugnoles"
que nous trouvions, enfants, enveloppées de "papier de soie" dans nos souliers...
C'était pourtant la même pâte, mais d'une fournée faite en cachette par les mamans,
parfois même pendant que nous dormions !
Prés du feu ronflant, ma mère plaçait sur une chaise la grande bassine émaillée ou
elle avait "débattu" la pâte claire pour les gaufres futures. Grand-mère surveillait de
temps en temps la préparation pour vérifier qu'elle "montait" bien. Elle soulevait doucement
l'étamine qui recouvrait le récipient et disait : "Ca va bin !!".
Une fois la jeunesse contentée, les galettes dorées et croustillantes étaient distribuées
aux adultes, à tour de rôle. La cuisson était assez rapide. Beaucoup les dégustaient
chaudes et fumantes, natures ou saupoudrées de sucre ou de "cassonade". D'autres
les laissaient refroidir un court instant et les garnissaient d'une cuillerée de confiture à
"meurons". Grand-mère les préférait "un p'tit coup freudes" (froides) ! Ensuite, la
production dépassant la consommation, les galettes s'empilaient sur une grande éclisse
d'osier....Pendant ce temps, dans le four, quelques "ribosses" cuisaient, parfumant toute
la pièce, puis s'alignaient sur une grande planche de hêtre, prés de la cheminée. C'etait là
le dessert du lendemain. La longue dégustation des gaufres constituait en somme le repas
du soir. Tout en mangeant, les "grands" continuaient à converser, les hommes s'animaient
parlant de souvenirs de guerre, de parties de crosse, d'aventures burlesques durant leur travail,
des "farces du 1er Mai". Les femmes écoutaient, rectifiant parfois un détail....Grand-mère "passait"
de l'eau boulliante sur la grande cafetière, d'ou émanait la bonne odeur du "café nouviau".
Ce dernier servait de boisson pour la plupart, mais quelques-uns buvaient de la bière, trouvant
qu'elle accompagnait mieux les gaufres...
Les distractions et les parties de cartes ressemblaient à celles que nous avons décrites en
novembre ! La soirée de Noel était ainsi bien animée. De temps en temps on offrait une
tournée de noisettes ou de "gailles" (noix) ou encore de "figottes"
Pas de sapin illuminé, pas de "réveillon" pas de boudin blanc ni de dinde, ni d'huîtres....Pas
de T.S.F. jusqu'en 1930....et bien sûr.... pas de "télé" ! Rien que la chaude ambiance de la vie
en commun, des conversations variées et joyeuses.
C'était cela Noel, en Avesnois, chez la plupart des humbles....et j'en ai gardé un merveilleux et
tendre souvenir.
Voilà ! je termine mon périple de la vie "En Avesnois...au fil des saisons", "din l'temps",
comme aurait dit grand-mère, durant ces vingt ans d'entre les deux guerres, qui furent
ceux de ma jeunesse et de mon adolescence.
Quels changements depuis ! Vous dirai-je que je viens encore de rêvasser quelques minutes
en comtemplant ma vielle "lampe à pétrole" qui est toujours là, prés d'un chandelier en cuivre
de ma bisaieule !...